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Parcours de mode exceptionnel décliné en une grande exposition et des petites capsules telle ‘Bellissima » qui, en 5 robes nous enseigne comment la Dolce Vita fut le reflet de la nonchalance des sublimes Italiennes des palais romains ou vénitiens, pourquoi Fendi fut le plus grand styliste de l’époque et comment les matières inouïes, si nobles et si souples de la mode italienne la portèrent au firmament.

Ce sont le manteau que Nico Vandervorst présenta au défilé de la Cambre présidé par Jean-Paul Gaultier, immense, fabriqué dans un tapis, le chapeau noir d’Elvis Pompilio fait de moules, des bottes peintes au bic bleu en hommage à Jan Fabre, Manneken Pis coiffé de minis ‘Brillant’ noirs, jaunes, rouges, le sac emblématique de Delvaux créé au moment de l’Expo 58, etc. qui nous accueillent.
Bienvenue dans le monde de la mode sans limite, celui du tout-est-possible, credo du département de Mode de La Cambre à sa création en 1983. Dès la première salle, le ton est donné au pays du surréalisme ! Un pays qui n’avait aucune tradition dans le domaine, si ce n’est dans le textile.

B1En provenance du MoMu (Mode Museum à Anvers), du Musée de la Mode et de la Dentelle de Bruxelles et de collections privées, des dizaines de mannequins jalonnent les salles de l’exposition comme un défilé dans le temps : « On veut montrer au grand public ceux qui ont inventé puis incarné la mode belge car la mode belge est à l’image de la Belgique, une chose qu’on a créée de toutes pièces, qui n’existait pas » commente Didier Vervaeren, commissaire de l’exposition et directeur artistique du MAD (Centre de la Mode et du Design bruxellois). Au fil du parcours, au milieu de silhouettes plus belles et créatives les unes que les autres, on apprend que le couple propriétaire de la Maison Norine créée en 1915 fut le premier à considérer la couture comme un art, n’hésitant pas à l’associer à des toiles de maître. A l’image des Noailles à Hyères dans le sud de la France qui étaient attentifs et ouverts à toutes les disciplines artistiques ; que Anne Salens, pionnière de la mode, chinait aux puces et tricotait tout elle-même ; que Maggy Boon fut la première à travailler le lin ; que Nina Meert, dans son atelier à Venise, a la jolie habitude d’écrire avant de créer ; que Anita Evenepoel fut totalement avant-garde en étant la première à intégrer le plastic dans ses créations ; que la Maison Natan tenue par Edouard Vermeulen est désormais la seule maison de Haute Couture en Belgique…

Des chapitres certes incontournables comme le Plan Textile mis en place dans les années 80 par Helena Ravijst avec l’ITCB (Institute for textiles and the Clothing Industry in Belgium) et le Ministère des Affaires économiques qui ont fait une joint venture avec l’Académie des Beaux-Arts d’Anvers d’où a émergé les fameux ‘Six d’Anvers’ lors d’un salon de la mode à Londres où ils se regroupèrent, décidant de photocopier leurs cartes de visite sur la même page pour susciter l’intérêt des gens à venir les découvrir au dernier étage du bâtiment où, faute de moyens, on les avait relégués. On connaît le retentissement mondial qu’ils connurent après et qui a tracé en lettres d’or le chemin aux générations futures ! Leur image forte, leur créativité et leur professionnalisme ont petit à petit imprégné et conquis le monde de la mode, de l’Europe jusqu’au Japon et aux Etats-Unis. A Paris, ils font tout autrement que les autres : sus au mannequinat (ils choisissent leurs mannequins dans la rue au moment du défilé), mode androgyne, refus de l’étiquette, déclinaison presque exclusive du noir et blanc, etc.

Mais il n’y a pas qu’eux ! Il y a encore Véronique Leroy, refusée en son temps à l’Académie d’Anvers et dont l’égérie est Axelle Red; Véronique Branquinho ; A.F. Vandevorst, le duo reconnaissable de la Croix-Rouge aux uniformes militaires qui utilise beaucoup le feutre en hommage à l’artiste allemand Joseph Beuys; Olivier Theyskens, le fantasque qui a claqué un jour la porte de la Cambre (aujourd‘hui chez Nina Ricci), Jean-Paul Knott, le surdoué qui obtint son diplôme à la prestigieuse FIT (Fashion Institute of Technology) de New York en deux ans et demi au lieu de quatre, fut le collaborateur de Yves-St-Laurent pendant plus d’une décennie, avant de travailler pour Krizia, Louis Féraud et Cerruti et dont le leit-motiv est la relation amoureuse ; Raf Simons, le designer minimaliste inspiré par la musique et les arts en général, à la tête de la collection femme de chez Christian Dior depuis 2012 avec Kris Van Assche à la collection homme : deux Belges à la tête de la création de l’une des plus célèbres et emblématiques maison de couture dans le monde ! Elder Ackerman, colombien adopté par une famille alsacienne installé aux Pays-Bas, considéré comme belge car ayant étudié à l’Académie d’Anvers et dont l’égérie est Tilda Swinton ; et encore Antonio Vacarello ; Jean-Paul Lespagnard inspiré par les vendeuses de harengs ou de saucisses comme dans sa dernière collection ; la classique Diane von Furstenberg, la petite belge, redoutable femme d’affaire à la tête d’un empire qui inventa la fameuse petite robe portefeuille en jersey et lycra grâce à une rencontre avec l’Italien Ferretti et dont toute femme qui se respecte a au moins un exemplaire dans sa garde-robe, même si elle ne l’a met plus depuis des années (ce qui est mon cas !).

Je peux encore parler du Laboratoire Martin Margiela qui travaille avec des matériaux de récupération, constamment dans la recherche, prônant l’anonymat, obligeant les gens qui y travaillent à porter un tablier blanc, où les collections portent des numéros et la poésie n’a pas sa place, etc. On est presque dans un film de science-fiction… et le comble, c’est que l’on aime car c’est beau, chic, discret, agréable à porter et… en plus, c’est belge ! On a même droit à des costumes de scène car ces créateurs talentueux côtoient toutes les disciplines artistiques, que ce soit l’opéra avec Walter Van Beyrendonck et Tim Van Steenbergen, Dries Van Noten avec la compagnie ‘Rosas’ d’Ann Teresa de Keersmacker ou encore Carine Gilson dont la lingerie était portée par la dernière James Bond Girl dans « Skyfall » !

Enfin pour terminer, quelques poètes et artisans indispensables comme Katrien Van Hecke qui a réalisé un tissu jaune teinté au curry de la manière la plus écologique possible ; Jan Van Essche dont le but est d’avoir le moins de chutes possible ; Bruno Pieters qui a déjà fait parler de lui en travaillant de la manière la plus transparente possible en établissant une fiche écologique et biologique reprenant le coût, la réalisation, la provenance du vêtement, etc. Bref, toutes des démarches du ‘possible’ pour lequel on ne peut qu’avoir de l’admiration dans le contexte général actuel. Courageuses prises de conscience dont l’objectif premier de préserver la nature et construire un monde équitable.

Maintenant peu importe que vous ne reteniez pas tous ces noms ! Voici une exposition très ludique qui va au-delà de la mode, grâce peut-être à cette façon de l’enseigner en Belgique comme œuvre d’art totale. Pas d’écoles spécifiques de mode chez nous, sinon une section dans des écoles d’art. Des étudiants qui ne sont pas emprisonnés par des contraintes commerciales ou saisonnières et qui peuvent donc en toute impunité, laisser libre cours à leur folle et débordante imagination, encore plus trash quand on a peu de moyens devant soi… En Belgique, on apprend autant à construire qu’à déconstruire, on vous pousse à faire sauter les verrous, à exploser règles et tabous.

Il ne nous reste plus qu’à interroger la prêtresse de la mode depuis près de 50 ans, Vivienne Westwood, la géniale créatrice anglaise qui, dans la dernière salle, pose nue à 63 ans (c’était il y a quelques années…) devant l’objectif de Juergen Teller -considéré comme l’un des plus grands photographes de mode contemporain- pour savoir si les petits Belges lui ont aussi appris quelque chose, à elle…

INFOS PRATIQUES


Palais des Beaux-Arts
23, Rue Ravenstein
B-1000 Bruxelles
www.bozar.be

Les expositions sont ouvertes du mardi au dimanche de 10:00 à 18:00. Nocturne les jeudis > 21:00. Les dates et heures précises sont communiquées en détail sur les pages de chaque evénement.

12€