Dans un tout autre genre radicalement différent de Ron Mueck dont je viens de vous parler plus haut dans cette rubrique, la première fois que j’ai vu une œuvre de Fred Sandback, j’ai su aussi que je n’oublierais plus le nom de cet artiste mais surtout qu’il allait prendre place avec Richard Long et James Turrell dans mon top 3 des artistes conceptuels. C’était il y a des années au Dia Beacon dans les environs de New York, une fondation impressionnante logée dans une ancienne laiterie de 25 000 m2.

Je n’avais jamais entendu parler sur le vieux continent de Fred Sandback. J’ai été immédiatement séduite par les œuvres minimalistes en fils de laine acrylique (mais aussi en cordes élastiques ou tiges de métal) de cet artiste new-yorkais qui avait disparu quelques années auparavant. Je l’ai revu à la Fondation Bernar Venet en 2017, une exposition pour laquelle j’avais expressément fait le déplacement. 

Aujourd’hui, dans le somptueux espace de la Fondation CAB, sous la lumière zénithale des verrières, les œuvres de Sandback prennent encore une autre dimension :

– de fines lignes rouges tombent du plafond telles de minces colonnes,

– un triangle noir surdimensionné coupe en deux parties inégales l’espace central du bâtiment,

– une enveloppe est logée judicieusement dans un coin,

– un triangle comme trois cadres légèrement courbés reposent contre un mur (attention de ne pas vous prendre les pieds dedans), le tout dans les couleurs primaires qui s’accordent parfaitement à la simplicité des œuvres. 

Alors que tout l’espace de la fondation est élégamment redessiné, on se met à réfléchir sur la conception et la réalisation de telles œuvres qui sont aussi difficiles à installer que le résultat est subtil. Rappelons que l’artiste étudia la philosophie avant la sculpture (à la Yale School of Art and Architecture à New Haven) où ses maîtres et amis furent entre autres Donald Judd, Robert Morris et Richard Serra. 

Alors comment qualifier son travail ? Que nous montre-t-il ? Le vide, le volume, le poids, le vertical, l’horizontal, l’essentiel ou, au contraire, la légèreté, l’indicible, le superflu ? Est-on dans le domaine de l’architecture, de la sculpture ou de l’art pur ? Peut-être tout à la fois et là réside sans doute l’originalité de Sandback qui conjugue toutes ces disciplines sous le regard attentif du visiteur qui, élément central et interactif de l’œuvre, déambule entre sol, plafond et murs où des fils l’obligent à reconsidérer les choses. 

Sachez que l’installation chapeautée par sa femme a pris deux semaines avec plusieurs spécialistes dans le domaine pour un résultat ou mieux, un dialogue entre espace, lumière, architecture, art minimal et spectateur, osons le mot, magnifique ! 

En guise de conclusion, voici quelques mots de l’artiste au sujet de son travail : « L’idée était d’avoir l’œuvre là, avec tout le reste du monde et non sur un piédestal spatial. Le terme impliquait également l’idée d’utilité, c’est à dire qu’une sculpture était là pour être utilisée activement, et il comportait des lueurs utopiques de cohabitation heureuse entre l’art et la vie. »

En plus du CAB, poussez la porte du bâtiment administratif de Flagey où une œuvre monumentale de l’artiste de 23m de haut est installée dans le grand escalier.

Texte & Photos Virginie de Borchgrave

Jusqu’au 25 juin 2022

Fondation CAB

www.fondationcab.com