EUROPALIA. Trains & Tracks

« Voies de la Modernité »

J’étais honnêtement très dubitative quant au sujet choisi cette année par le Festival Europalia qui nous a habitués depuis ses débuts à mettre en valeur à cette occasion, la culture d’un pays. Pourquoi le train ? Parce que les organisateurs se sont dit qu’après tout, au lieu de nous inciter à visiter un pays, il était plus sain de s’intéresser à l’un des outils majeurs de l’urgence climatique ? Celui qui est appelé à devenir dans les années qui viennent le moyen le plus écologique de voyager ? 

Il ne m’a pas fallu plus de quelques minutes pour me rendre compte que le thème était, en fait, passionnant ! A travers plus d’une centaine d’œuvres d’artistes majeurs des XIe & XXe s., j’ai vu de mes propres yeux combien le train a non seulement incarné le symbole de la modernité mais a été aussi un outil essentiel de la révolution industrielle, en tout premier lieu en 1820 en Grande-Bretagne avec l’exploitation des mines. La Belgique de Léopold Ier suivra quelques années plus tard. 

Incroyable que j’aie dû visiter cette exposition pour comprendre combien l’apparition du train a modifié la société, en bouleversant principalement le rapport de l’homme au temps et à l’espace. Il a changé le visage des campagnes avec son long nuage de vapeur qui divise le paysage. Il a modifié le rythme de la vie avec le mouvement, la vitesse qu’il génère ; l’architecture avec la construction des gares qui peuvent ressembler à des cathédrales, etc. 

On admire trois superbes tableaux de la Gare St-Lazare peints par Monet. 

On voit aussi de belles anciennes affiches qui incitent le voyageur à prendre des vacances, à partir. A la suite des impressionnistes, il y eut les futuristes comme Roberto Baldessari (pas John) et bien d’autres à s’y intéresser. Plus tard, les surréalistes se placeront du côté des voyageurs focalisant plus sur l’aspect psychologique que moderne du sujet : Freud s’intéresse aux états d’âme du passager, Max Ernst au compartiment, Delvaux, lui, représente des personnages figés, face à des trains à l’arrêt dans des gares à l’ambiance mystérieuse, etc. 

Et puis, dans les années 50, il perd inévitablement de son intérêt, l’attrait pour la nouveauté s’estompant. Alors aujourd’hui, où le train devrait occuper la place de choix dans les moyens de se déplacer, il est temps de le remettre à l’honneur. L’artiste indonésienne, Fiona Tan (1966) connue pour ses installations dans les domaines de la photographie, du cinéma et de la vidéo clôture le parcours muséal avec une installation doublée d’une invitation à réfléchir à son rôle dans l’environnement actuel. 

Coups de cœur au-delà des Monet et Delvaux pour

  • « Le Train qui passe » de Marianne Stokes (1855-1927) qui, en 1893 a peint cette belle femme vêtue d’une cape rouge. Le regard mélancolique, elle rêve face au paysage où passe un train en arrière-plan
  • « La dame dans le train » de Léon Spilliaert (1881-1946) empreint d’une ambiance étrange voire inquiétante
  • « La Matinée angoissante » de Giorgio De Chirico (1888-1978), un tableau à la construction géométrique baignée d’une lumière contrastée
  • « Le passage à niveau » de Fernand Léger (1881-1955), une huile sur toile cubiste exposée au Salon d’automne de 1912, débauche de lignes et couleurs qui s’imbriquent les unes dans les autres
  • « Opus 11 » de Victor Servranckx (1897-1965), une toile maîtresse à tous les niveaux : sujet, couleur, format. Elle date de 1920. 

Je terminerai sur une phrase de Marie-Eve Tesch qui porte la double casquette de coordinatrice EUROPALIA et commissaire de l’exposition : 

« Faisant le grand écart entre brutalité et poésie, le train s’est fait une place dans l’histoire de l’art. »

Très belle démonstration. N’attendez pas l’année prochaine pour vous en rendre compte par vous-mêmes !

Texte & Photos Virginie de Borchgrave

Jusqu’au 13 février 2022

Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique

Musée Old Masters 

3, Rue de la Régence

B- 1000 Bruxelles

Ouvert du mardi au vendredi de 10h à 17h ; les weekends de 11h à 18h. 

Fermé le lundi et les 1er & 11/11- 25/12- 1/01 & 2e jeudi de janvier 

Entrée : 15 EUR/ 10 EUR Réduit

www.fine-arts-museum.be

Programme complet d’EUROPALIA sur www.europalia.eu