« Private Views. Collections privées. Art Contemporain »

Pourquoi une exposition d’œuvres de collectionneurs privés dans un musée public ? 

Collectionneur, un mot que les principaux intéressés troqueraient bien avec celui d’amateur ou comme Herman Daled, l’un des plus célèbres d’entre eux, avec collecteur. Des collections faites parfois, au gré de hasards et de coups de coeur, pas toujours selon une ligne de conduite préétablie. Des achats qui les distinguent des simples visiteurs de musées et galeries. 

Pourquoi donc s’intéresser à eux ? Pour e.a. nous faire prendre conscience qu’ils sont indispensables à l’élaboration de l’histoire de l’art et, au-delà, à l’histoire culturelle : « une forme d’engagement revendiqué dans cette histoire en train de se faire » car sans acquisition, que feraient les artistes esseulés, condamnés à créer sans fin, entre les quatre murs de leur atelier, sans le regard et l’appréciation de l’autre qui les fait avancer ou reculer, les remet en question ? 

Cette exposition a parcouru les collections d’une vingtaine de ‘collectionneurs’ liégeois dont le commissaire et ses acolytes ont extrait près de 250 œuvres. Des œuvres qu’ils ont choisi de présenter, non par collections, mais plutôt en les articulant autour de 10 peintures anciennes du musée qui fonctionnent comme des chapitres en dialogue avec les œuvres invitées. 

Pour citer un exemple, deux œuvres du XVIIIe s. de Piranèse, père et fils posent la question de savoir à quoi s’applique l’art sinon, pragmatiquement, à la lecture et la transformation de notre environnement ? D’autres œuvres quant à elles, interrogent face à des papiers déchirés de Jean Arp, sur le potentiel poétique de la révolution artistique mise en œuvre, il y a près d’un siècle par le mouvement ‘Dada’. Et encore des questions sur le paysage, la place et le rôle de la femme, cette héroïne, un sujet brûlant d’actualité, etc. 

Voici par ordre alphabétique, quelques-uns des artistes exposés qui ont attiré plus particulièrement mon attention : Francis Alÿs, Pierre Alechinsky, Bernd et Hilla Becher où, fait rarissime, Hilla pose, Charlotte Beaudry, Joseph Buys, Derrick Ofosu Boareng, des mains de Christian Boltansky, une grande toile beige et blanche de Daniel Buren, André Cadere, Sophie Calle, jacques Charlier, l’autochtone Patrick Corillon, Stéphane Couturier, Jo Delahaut, deux petits formats de Marlène Dumas, une jolie phrase poétique sur deux lignes de Fred Eerdekens, un magnifique insecte feuille de Jan Fabre sur un fond bleu intense, un lièvre debout en bronze de Barry Flanagan, des photos de Samuel Fosso, Lara Gasparatto, Hervé Guibert prise durant son séjour à la Villa Médicis, Michel François, un magistral Simon Hantaï, un habituel portrait studio de Seydou Keïta, Joseph Kosuth, Bertrand Lavier, Sol LeWitt, deux œuvres d’Arte Povera de Bernd Lohaus, un bloc de bois clair de David Nash, Anselm Kiefer, Xavier Mary, Jacqueline Mesmaeker, Giorgio Morandi, un sombre et élégant carré d’Aurélie Nemours, Pierre & Gilles, Jean-Pierre Pincemin, Jean-Pierre Ransonnet, Chéri Samba, un nuage rose de Walter Swennen, Antoni Tàpies, Richard Tuttle, une judicieuse installation colorée de Bernard Villers et encore, Marthe Wéry, Zao Woo-Ki, Léon Wuidar, etc. 

Un propos qui s’avère judicieux.

Texte & Photos Virginie de Borchgrave

Jusqu’au 13 août 2023

La Boverie

Parc de la Boverie, 3

B- 4020 Liège

Ouvert du mardi au dimanche de 10h à 18h

www.laboverie.com