« L’HISTOIRE COMMENCE en MESOPOTAMIE »****

Texte & Photos Virginie de Borchgrave

 

Et pour moi, elle commence avec Anne Thomas, responsable de la Mésopotamie au Musée du Louvre à Paris (département des Antiquités du Moyen-Orient) et commissaire de l’exposition au Louvre-Lens qui, avec son immense savoir, nous guide dans les arcanes de cette civilisation relativement méconnue. Nous avons la chance de découvrir des œuvres totalement inédites, certaines prêtées pour la 1re fois ! Si la Mésopotamie (littéralement en grec « entre les fleuves ») est un jalon fondamental de l’histoire qui s’étend sur une très longue période qui commence en 3200 avt notre ère, elle est le carrefour du Proche-Orient et géographiquement, le Croissant fertile qui désigne le territoire entre le Tigre et l’Euphrate (actuellement l’Irak et la Syrie antérieure) regroupant sous son appellation différentes civilisations. Avec les Mésopotamiens, nous assistons à la naissance d’une culture, d’une unité, de l’Histoire ! Civilisation basée sur un système urbain au IVe s. ACN avec des villes comme Babylone, Ninive à qui l’on doit tout : de l’écriture aux premières lois, aux premiers livres historiques, aux premiers rois, à la notion d’administration, à l’unification d’une langue, etc., une expansion, un développement, bref une chronologie qui s’arrêtera avec la conquête d’Alexandre le Grand et l’hellénisation de la société. Une civilisation d’une longévité exceptionnelle, surtout si l’on se réfère à la date de la fondation de Rome, très récente au regard de celle-ci.

Mais comment se fait-il qu’une telle civilisation soit tombée dans l’oubli et qu’il ait fallu attendre aussi longtemps pour la redécouvrir ? Le Louvre a joué un rôle historique capital dans sa réhabilitation, en créant en 1845 (quelques années avant la Galerie assyrienne du British Museum en 1851) un musée au sein du musée, vu l’importance des découvertes des premiers archéologues. En effet, ces vestiges venaient donner une réalité, mieux une crédibilité aux légendes et au sumérien, première langue à avoir été écrite au monde ! A l’entrée de l’exposition, sur la musique de « Rivers of Babylon » de Boney M ou de « Nabucco » de Verdi selon les affinités du visiteur, un film intitulé « La Mésopotamie dans l’imagerie contemporaine » nous montre brièvement, combien elle est présente dans notre inconscient collectif. Citons dans le désordre Gustave Doré, Voltaire, Degas, Charles Le Brun, Max Ernst, Tintin, Astérix, Bob & Bobette, le temple zoroastrien de Bombay, la représentation du déluge dans la cathédrale St-Marc à Venise, Fritz Lang, Loïe Fuller posant sur une stèle assyrienne, l’opéra Sémiramis de Rossini, « Meurtre à Babylone » d’Agatha Christie, « Nabuchodonosor » de Jules Verne, des jeux vidéos, des marques de bières, et j’en passe défilent devant nos yeux pour nous rappeler l’assyriomanie’ dans laquelle nous baignons.

Une succession d’objets uniques et précieux (dont par exemple, la stèle unique de la BNF ou le premier morceau de verre attesté au monde), de statues, de photos, de vestiges, rassemblés sous les thèmes de la ville, l’agriculture, la religion (omniprésente), l’écriture, les sciences où ils excellaient comme l’astronomie, les mathématiques, la géométrie, l’astrologie et même le calendrier qu’ils nous ont légué, les femmes, etc. nous enseignent et nous éclairent au fil des salles sur ce pays de l’argile. Une matière aussi fragile dans ses réalisations monumentales (dont il ne reste que quelques fragments car tout s’est écroulé, usé par le temps ce qui ne facilite pas la tâche des archéologues) que résistante dans les petites choses pratiques insignifiantes comme tel ou tel contrat de vente, de mariage ou d’adoption.

Avec une alternance de paix et de conflits, l’évolution d’un territoire très divisé vers d’énormes empires tel que celui de Sargon d’Akkad, modèle de la royauté qui domina la Mésopotamie de la fin du XXIVe s. au début du XXIIe s. avant notre ère ou de Nabuchodonosor II, souverain le plus célèbre de Babylone de 605 à 562 ACN (à qui l’on doit la Tour de Babel et non les Jardins de Babylone), l’arrivée d’Alexandre le Grand (qui y mourra en 323 ACN) marquera une rupture politique et enclenchera la destruction progressive de la civilisation qui tombera dans un oubli total jusqu’au XIXe s….

« On pourrait dire que la Mésopotamie est morte de vieillesse » conclut poétiquement la commissaire.

Enfin dans la dernière salle, un voyage visuel à travers la Mésopotamie nous emmène de Bassorah -la Venise du Moyen-Orient- à Mossul en passant par nombre de villages kurdes et des villes comme Khorsabad, Ninive, Nimrud, Hatra, Falluja, Babylone, Ctésiphon, Eridu, des noms qui résonnent étrangement à nos oreilles et attristent nos yeux quand on lit à côté de la photo : « Détruite en 2013, détruite en 2014, détruite en 2015… »

Terminons avec Georges Roux, médecin doublé d’un historien féru de Mésopotamie : «Parmi les quatre ou cinq grandes civilisations de l’ère préchrétienne, la mésopotamienne présente la particularité d’être à la fois la plus ancienne, la plus longue, sans doute la plus importante, tant par l’influence qu’elle a exercée sur l’ensemble du Proche-Orient et sur le monde grec que par sa contribution au développement matériel et spirituel de l’humanité, et la plus mal connue du grand public cultivé, aussi bien en France qu’ailleurs» in « La Mésopotamie », Editions du Seuil, 1995.

Une exposition aussi remarquable culturellement que d’une brûlante actualité…

 

Jusqu’au 23 janvier 2017

LOUVRE-LENS

99, Rue Paul Bert

F-62 300 Lens

Tél. : +33 3 21 18 62 62

Ouvert tous les jours sauf le mardi de 10h à 18h. Fermé les 25/12 & 1/01

Entrée : Plein 10 EUR / Jeunes 5 EUR / Gratuit pour les moins de 18 ans

www.louvrelens.fr