La grande exposition “La pratique de la peinture” d’Antoni Tapies (Barcelone, 1923-2011) qui vient de s’ouvrir au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles riche de 120 œuvres, sélectionnées dans une production extrêmement prolifique de milliers d’œuvres est remarquable. 

S’inspirant du titre de l’un de ses ouvrages, elle nous invite à suivre chronologiquement le parcours de cet artiste catalan polyvalent à la fois peintre, sculpteur, essayiste et théoricien de l’art espagnol, considéré à raison comme l’un des plus grands artistes du XXe s, en commençant par les autoportraits de ses débuts jusqu’à la série de dessins en noir et blanc, hommage à sa femme Teresa Barba i Fábregas. 

Peintre de la matière qui souhaite avant tout en comprendre la structure et arriver à changer la mentalité des gens, leur vision des choses « voir plus loin plus profond », Tapies pense qu’on peut, à partir de la connaissance de la matière atteindre d’autres niveaux – social, politique, éthique. 

Peindre est à ses yeux une façon de réfléchir sur la vie : “Je vous invite à jouer, à regarder attentivement, je vous invite à penser”, écrit-il.  

Une œuvre où les objets insignifiants – papier, carton, détritus, etc.- ont été trouvés et ramassés par la main dont c’est la seule intervention réelle “pour les recueillir et les sauver de l’abandon, de la fatigue, de la déchirure, de la marque du pas de l’homme et de celle du temps.” 

Artiste autodidacte, humble, déterminé, l’un des principaux représentants de l’Art informel[1], Antoni Tàpies a produit une œuvre prolifique à son image sans discontinuité, en passant par des phases de remise en question, de peur, de douleur : “ L’artiste doit tout inventer : il doit se lancer à corps perdu dans l’inconnu, rejetant tout préjugé (…) y compris l’étude des techniques et l’emploi des matériaux considérés comme traditionnels.

Et enfin, un artiste engagé tant sur le plan personnel qu’artistique : « La situation sociale et politique de mon pays a toujours eu une répercussion sur mon œuvre. Je crois que cela est lié au fait que la conception de l’art pour l’art ne me semble pas valide. J’ai toujours défendu face à l’art une attitude utilitariste. » 

Magistral.

Texte & Photos Virginie de Borchgrave

Jusqu’au 7 janvier 2024

www.bozar.be


[1] L’Art informel ou Informelisme est un ensemble de tendances artistiques abstraites et gestuelles (abstraction lyrique, matiérisme, spatialisme) qui se sont manifestées en Europe dans la période de l’après-guerre, de 1945 à 1960.