Des oeuvres politiques inspirées par la crise migratoire. Rien qu’en lisant ces lignes sur le papier qu’une hôtesse nous remet à l’entrée de la fondation, mes sens sont en émoi.

On y est tous confrontés qu’on le veuille ou non, à condition de regarder les choses en face.

« J’ai été marquée par ces images de franchissement… La frontière est un lieu de crise. C’est aussi le passage d’une langue à l’autre » explique Agnès Thurnauer, l’artiste franco-suisse formée en cinéma vidéo à l’Ecole Nationale des Arts Décoratifs à Paris, autodidacte en peinture.

Aux cimaises, de grandes toiles où couleurs, écriture, matière et cadrage se marient pour nous faire voir autre chose. Et qu’est-ce qui attire notre regard ? Les formes humaines, les mots ou plutôt les interactions entre les deux ? L’artiste poursuit : « le regardeur fait le tableau comme le tableau le regardeur. » Sa peinture révèle un monde en crise, se fait l’écho, puissant, de l’histoire comme Géricault dans son ‘Radeau de la Méduse’ ou Picasso dans ‘Guernica’, de célèbres prédécesseurs pour un thème universel.

Des fromes découpées, des traits fluides, des blocs qui s’entrechoquent pour traduire la violence de ce que vivent les migrants. Foule anonyme de corps entrelacés des mots du poète anglais Rod Mengham, qui deviennent des terres, des pays, une carte de géographie physique, au sens premier du terme. On se trouve face à un territoire mental aussi dense que complexe où les mots traversent et brouillent les frontières : « La migration pose la question des corps et du langage, explique l’artiste. Quand on se déplace, on transporte aussi sa langue. Les corps deviennent les limites politiques et symboliques de la langue. » De là, il n’y a qu’un pas à franchir pour se poser la question de savoir ce que nous emportons avec nous en exil ? Nous migrons certes d’un pays à l’autre voire d’un continent à l’autre, d’une langue à une autre et surtout d’une culture à une autre, étrangère, hermétique, compliquée.

 

Dans le dernier tableau, on découvre que les mots ont tout envahi comme l’océan où beaucoup se noie sous nos yeux et notre indifférence…

 

Mais l’exil, c’est aussi le nouveau monde, le monde de tous les possibles, de l’espoir, de l’ouverture, de l’apprentissage d’une autre culture, une autre vision du monde qui passe par la langue. La langue sépare mais elle peut aussi unir !

 

« Land and Language » est une formidable réflexion sur un nouveau monde possible, élargi, pluriel et multiculturel.

 

Un travail dont se dégage une énergie remarquable, unique.

 

N.B. : Agnès Thurnauer a exposé au Centre Georges Pompidou, au Palais de Tokyo, au Smak à Gand et ses œuvres, représentées par la Galerie Michel Rein (Paris/Bxl) sont présentes dans de nombreuses collections publiques et privées.

 

Texte & Photos Virginie de Borchgrave

 

Jusqu’au Dimanche 8 mars 2020

Fondation Thalie

15, Rue Buchholtz

B-1050 Bruxelles

www.fondationthalie.org