« BEYOND BORDERS »

Texte & Photo montage Virginie de Borchgrave

Près d’une quarantaine d’artistes internationaux de tous âges dialoguent cet automne au sujet des frontières, un thème au cœur de la Fondation Boghossian, plus que jamais d’actualité aujourd’hui.

Dialogue/échange entre des artistes de la collection de la BEI (la Banque européenne d’investissement basée à Luxembourg dont les représentants étaient bien représentés le soir du vernissage) et d’autres, issus e.a. du Moyen-Orient et du Maghreb. Deux commissaires aux commandes à savoir, Delphine Munro de la BEI et Michket Krifa pour le Moyen-Orient. De quoi nous prouver pour la xème fois que l’art est sans doute l’une des manières les plus belle, intelligente, créative et tolérante de dépasser/transcender les frontières. A travers ces perspectives multiculturelles, la question des frontières est analysée, questionnée, remise en question voire sublimée.

Personnellement, j’ai pris du plaisir à parcourir du grand salon aux chambres, salles de bain et salle à manger, etc. la magnifique demeure dont on ne se lasse pas au fil des expositions (au contraire) et mon attention s’est naturellement portée vers certaines œuvres, même si l’ensemble cohérent m’a beaucoup intéressée.

Dans l’ordre de la visite, j’ai aimé les photos de Gohar Dashti (1980, Ashvaz) ; les savons gravés d’extraits de la Déclaration des Droits de l’Homme de Taysir Batniji (1966, Gaza) ; les sculptures de Tony Cragg (1949, Liverpool) et Jannis Kounellis(1936, Pirée – Rome, 2017) bien que le rapport avec le thème ne m’ait pas sauté aux yeux comme avec la grande boite sombre en perspective de Jaume Plensa(1955, Barcelone), synonyme d’enfermement et de limites ; l’interprétation de lieux désertés avec la photo panoramique d’un paysage du Loir-et-Cher de Elger Esser (1967, Stutggart) ou de barrières avec la toile peinte chinée recouverte méticuleusement de fils de laine de Lara Favaretto (1937, Trévise). « Delocazione » du grand Claudio Parmiggiani (1943, Luzzara), représentation métaphorique du déracinement et de la réinstallation est peut-être la plus belle œuvre de l’exposition, mais ne bénéficiant d’aucun éclairage particulier, elle n’est malheureusement pas du tout mise en valeur. On a failli passer à côté sans la voir…

Quant au discret François Morellet (1926, Cholet), il nous montre à travers une toile faite de lignes, telle une grille, les notions d’entrave et de limitations qu’il n’a eu de cesse d’interpréter tout au long de son œuvre. Le magistral Sean Scully (1945, Dublin) est là avec une grande toile grise et blanche en forme de damier.

Et encore, une incroyable photo d’un reflet de la nature de Jorma Puranen (1951, Helsinki) ; un cercle au bleu spatial de l’incontournable et omniprésent Anish Kapoor (1954, Bombay) dont le sens coule de source ; un subtil Alighiero Boetti (1940, Turin-1994, Rome) où flottent des virgules/apostrophes blanches censées nous dévoiler le titre de l’oeuvre ; une immense photo de Frank Thiel (1966, Kleinmachnow) en droite ligne de William Eggleston (et bien d’autres après lui) ; la série photographiques des miradors, intelligente réinterprétation de l’œuvre des Suisses Bernd et Hilla Becher ; l’amusant store vertical imprimé photo de Cooking Sections, ce duo d’artistes londoniens : Alon Schwabe(1984, Ramat Gan) et Daniel Fernández Pascual (1984, Burgos).

Quelques œuvres m’ont moins convaincue : celles de Ali Cherri, Anri Sala, Paris Petredis, Héla Ammar, Pravdoliub Ivanov qui font un travail de mémoire essentiel, dont je salue le mérite, mais dont le commentaire est à mes yeux plus intéressant que la réalisation.

J’ai encore aimé retrouver Mounir Fatmi (1970, Tanger) qui nous force à prendre de la distance avec son œuvre, à établir une frontière ici physiquement mais que l’on peut transposer dans la vie à tous les niveaux… ; découvrir le singulier portrait de Charles Sandison (1969, Haltwhistl), superposition numérique des traits de plusieurs visages sur un écran de cristaux liquides, orchestré par une intelligence artificielle.

Enfin, l’exposition s’achève sur deux vidéos : la méditative de Wael Shawky (1971, Alexandrie) et la poétique de Hrair Sarkissian (1973, Damas) qui, entre les troupeaux de chameaux conduits à travers le désert d’Abu Dhabi et le chemin extrêmement dangereux emprunté par certains réfugiés en Méditerranée clôt en beauté le parcours sur une lueur d’espoir.

L’une des meilleures expos de la Fondation. Remarquable et très accessible.

 

Jusqu’au 24 février 2018

Fondation Boghossian – Villa Empain

67, Avenue Franklin Rossevelt

B-1050 Bruxelles

Tél. : +32 2 627 52 30

Ouvert tous les jours sauf le lundi de 11h à 18h (dernière entrée à 17h15’)

Entrée : 10 EUR plein / 8 EUR étudiants & seniors / 4 EUR moins de 26 ans / gratuit moins de 12 ans

info@boghossianfoundation.be

https://www.villaempain.com