Voilà ce que j’allais vous écrire avant la décision de fermer les lieux de la culture bruxellois : « Courez illico presto voir la nouvelle expo de la Villa

Empain pour vous défaire de la morosité ambiante et vous nettoyer lumineusement le cerveau ! » Eh bien, ce n’est que partie remise, à quelques semaines près. N’empêche que je peux déjà vous mettre l’eau à la bouche, en vous y préparant. La découverte et la réflexion autour de la lumière n’en sera que plus enrichissante. 

Une vingtaine d’installations et sculptures contemporaines couvrant près de 60 ans d’histoire du médium en interaction avec la lumière est le programme que nous a préparé Louma Salamé qui porte, une fois de plus, la double casquette de directrice et commissaire de l’exposition. Oserons-nous avouer que ‘ses’ expositions sont nos préférées ? On passe d’une salle à l’autre attiré par la lumière qui s’en dégage. Des artistes coréen, japonais, marocain, palestinien, libanais, américain et belge illuminent les cimaises de cet écrin art déco. Vous remarquerez dans la rue en arrivant, des lampadaires bleus que vous n’avez jamais vus auparavant : ils relient la Villa Empain à la ville. C’est que le propos dépasse les limites de la Fondation sous la forme d’un éclairage inédit de l’Avenue Franklin Roosevelt

Enfin, 3e volet du projet, d’autres lieux culturels à Bruxelles et en province comme les Wiels, Bozar, Kanal, Smak à Gand, M Hka à Anvers, CID au Grand-Hornu, BPS 22 à Charleroi et à l’étranger, le Parajanov Museum à Yerevan et le célèbre Sursock Museum à Beyrouth y prennent part aussi. 

Voici des précisions sur quelques œuvres en particulier : 

  • « Jusqu’à preuve du contraire », l’immense accumulation de néons dans l’atrium où est inscrite la sourate 24 du Coran – stalactites ou stalagmites selon le point de vue où l’on se place – de Mounir Fatmi (Tanger, 1970) symbolise l’association entre Dieu et la lumière dans les religions monothéistes. 
  • « Aquarius, Medium Circle Glass » issue de la série « Constellation » de James Turell (Los Angeles, 1948) où vous devez rester quelques minutes sur place pour vivre « une expérience transcendantale » à travers l’interaction de la couleur lumineuse avec la surface. 
  • Les grosses balles d’Adrien Lucca (Paris, 1983) « Yellow-free Zone », œuvre minimaliste ludique interactive qui passe par des éclairages différents et interroge notre définition même de la couleur. L’artiste est professeur en Arts visuels à La Cambre.
  • « Eternal Contradiction » ou la mise en perspective ME WE de Yván Navarro (Santiago de Chile, 1972) qui vit et travaille à New York depuis 1997. Un artiste singulier qui utilise la lumière comme matériau de base, détournant des objets en sculptures électriques et transformant l’espace par des jeux d’optique. Une œuvre habitée par les questions de pouvoir, contrôle et emprisonnement, instrument subtil (le plus efficace peut-être ?) d’une critique politico-sociale. 
  • Enfin, Mona Hatoum (Beyrouth, 1952), la célèbre plasticienne libanaise d’origine palestinienne profondément imprégnée par sa vie passée. Depuis 40 ans, toute son œuvre est basée sur les problèmes politiques et sociaux, sur l’exil, la séparation, la violence et la sexualité. La lumière y tient une place de choix. Ici, sous le titre « Misbah » qui signifie lanterne en français, elle déstabilise le visiteur physiquement (on attrape rapidement le tournis) plongé dans l’univers de cette soi-disant ‘lanterna magica’ revue à la sauce Hatoum : des dessins qui paraissent à première vue décoratifs se révèlent en fait des figures de soldats armés et les étoiles, les flashes des bombes explosant tout autour. Une œuvre remarquable à l’effet aussi magique que lourd de sens…

Texte & Photos Virginie de Borchgrave

Jusqu’au 31 janvier 2021

Villa Empain – Fondation Boghossian

67, Avenue Franklin Roosevelt

B-1000 Bruxelles

www.villaempain.com